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Souvenirs
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A lépoque la télévision était quasi inconnue aussi les cirques étaient prisés et donc en pleine expansion. Ce qui me plaisait le plus, en tant que garçon, était le ballet de ces énormes camions qui envahissaient la place. Ces mats que lon hissait péniblement, ce chapiteau que je voyais lentement prendre forme.
Il y avait Pinder, Amar, Bouglione, Circus 51 (je ne suis plus sûr de l'année), Francki ainsi que de nombreux petits cirques familiaux qui nous intéressaient moins. Mon préféré était Pinder avec ses extraordinaires véhicules militaires américains reconvertis et recouverts de couleurs jaune vif, Bouglione était en rouge, Amar en jaune/beige, Francki en rouge et blanc... Aujourdhui je ne sais pourquoi, ma mémoire conserve avec une grande précision tous les détails de ces petites villes sur roues. Ce design kitsch que l'on retrouve dans l'art forain est une expression d'art populaire naïf qui ne me laisse pas indifférent et rejoint certainement ma vinylmania... Jai eu la surprise de constater que des collectionneurs achètent des miniatures fidèles dans les moindres détails de ces véhicules rarissimes et (je le croyais) oubliés. Le foirail pourtant vaste nétait pas suffisant, certaines caravanes du personnel et dartistes se garaient dans les rues avoisinantes dont la nôtre. Parfois mon père proposait à un couple de caravaniers de tirer jusquà leur roulotte un fil électrique que lon retrouvait débranché sur le trottoir le lendemain matin. Quelle chance si un cirque arrivait un jeudi ou un dimanche ! Je pouvais alors assister à tout le montage du chapiteau. Une année un groupe de " circassiens " minterpelle : " Petit, va nous acheter deux beaux pains, voilà de largent ". Je naurais pas été plus ému si le général de Gaulle mavait demandé le même service ! Pour moi à lépoque la fonction de monteur du cirque Pinder était le summum de la réussite sociale ! Les Z..., voisins immédiats, essayaient vainement de jouer la solidarité tzigane pour obtenir une entrée gratuite. En échange de travaux insalubres dans les écuries ils recevaient des monteurs dont ils faisaient ainsi une partie du travail des " billets dentrée ", en fait des réductions de quelques dizaines de centimes sur un prix bien plus élevé ! Le « Circus 59 » était sponsorisé par la RTF. Il y avait " le Jeu des mille francs " et des animations liées à la radio et à la télévision. Lanimateur de lépoque, Roger Lanzac je crois, faisait souvent entrer des enfants gratuitement. Une attitude qui contrastait avec ce monde somme toute cruel. Les animaux et le petit personnel ne semblaient pas si heureux que ça. Ils étaient tous à létroit, semblaient vivre dans le noir et la saleté. Jai même été témoin, visitant le zoo d'un grand cirque, danimaux frappés par des garçons de piste parce quils navançaient pas assez vite à la sortie du spectacle. Au " Circus 59 " une remorque attirait particulièrement la foule : sa devanture était garnie de téléviseurs noir et blanc (rappelons-nous au passage les gros appareils de l'époque) devant le public tenu à distance par une barrière. Une de ces énormes caméras des pionniers de la télé, posée sur un chariot, filmait les passants. Cétait extraordinaire de pouvoir sentrevoir à la télévision et la foule affluait, certains ne venaient que pour " se voir à la télé ". Peu denfants du quartier allaient au spectacle, certains au zoo seulement, les temps étaient durs. Le soir on voyait arriver la bourgeoisie avec leurs belles autos pour assister au spectacle. Mais en fait plus que le show lui-même, ce qui mintéressait cétait cette extraordinaire ambiance. Mon attraction préférée était de voir manuvrer ces gros véhicules et leurs nombreuses remorques ainsi que ces duos de monteurs munis de masses qui à tour de rôle, dans un synchronisme parfait enfonçaient de gros piquets dans le sol. Le gros groupe électrogène se mettait à gronder le soir venu, la place s'illuminait et la musique était de plus en plus forte. Les grands mats, guirlandes et autres enseignes silluminaient et transformaient notre terrain de jeux en un univers fabuleux. La nuit de mon lit jentendais lorchestre du cirque, les claquements des fouets des dompteurs et les applaudissements du public. Régulièrement retentissaient des feulements effrayants venant du zoo, des barrissements déléphants. Au matin après une nuit bruyante seul restait un rond de sciure et des déjections danimaux. Je réalisai alors l'immensité de choses que j'avais à découvrir au-delà de la Rue-neuve qui vit disparaître cette longue colonne de véhicules... Ma mère avec un certain humour fumait ses fleurs au "crottin de lion" un luxe ! Mon père agacé par mon admiration devant "un homme qui marchait sur un fil" me déclara un jour quil pouvait en faire autant. Nous nous rendons alors dans le jardin sur le sol duquel traînait un fil à linge détendu sur lequel il effectue quelques pas. |
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