- Il s’appelle Yves Souchon, de la famille du Souchon «qu’on connaît» qui est son oncle... Pour cette raison il utilisa le pseudo d’Yves Delyr pour essayer de publier ses vinyles en France, dans les années 80...
- J’ai évoqué son disque sur le site. Il m’avait intrigué à l’époque, vu la grande quantité d'exemplaires de cet album qu’on trouvait dans les vide-greniers bordelais... Et en plus j'avais bien aimé ce disque.
- Récemment Yves est tombé sur cette page. Lui qui a tiré un trait sur cette période de sa vie en quelque sorte est retombé dans son passé... Il m’a envoyé un courriel sympa et nous avons échangé quelques mails... Avec son accord je publie ici quelques extraits de ses courriels qui évoquent son aventure musicale et les hauts et hélas les bas de la publication de ses disques...
(le passage en gras et en gros caractères est mis mis en valeur de mon fait)
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- «Comme ma voix était assez proche de la sienne à l'époque (Alain Souchon), je n'ai pas pu échapper à Des comparaisons ! La seule solution pour moi fut d'émigrer au Canada, où j'ai fait une carrière éclair de deux ans. Alain était peu connu là-bas à l'époque car il n'aimait pas prendre l'avion, or les Canadiens n'aimaient que les artistes qu'ils pouvaient d'abord voir en chair et en os. Avec ma chanson 'le Gai Laboureur' j'ai gagné un concours qui mettait en compétition les 4 principaux pays francophones et dont la finale se déroulait à Montréal. C'est ce qui m'a permis de démarrer là-bas, littéralement du jour au lendemain. J'ai fait tout de même quelques télés et radios en France (Jean Louis Foulquier, José Arthur, Anne Sinclair et d'autres) mais c'était peu comparé avec mon activité au Canada.
- A peine deux années plus tard (en 1984) je tirais ma révérence au showbusiness (...). J'ai fait beaucoup de métiers par la suite et aujourd'hui j'habite en Thaïlande. J'ai 57 ans... en 1981 j'en avais donc tout juste 25.
- Mon premier disque était un 45 tours, enregistré chez WEA.
- J'ai quitté WEA parce-que le Directeur de Production avait changé peu après la sortie de mon 45T et je ne me suis pas entendu avec le nouveau (...) Le précédent était Christian Hergott et son approche était radicalement à l'inverse (il a lancé Michel Berger, Michel Jonasz, Véronique Sanson, Eddy Mitchell et bien d'autres !) J'avais commencé à travailler, pour un second 45T, avec un auteur/compositeur/interprète/arrangeur déjà très connu (vous verrez son nom dans les remerciements au verso de mon album) qui avait déjà écrit pour le titre principal un arrangement magnifique. Ce nouveau producteur l'a écarté d'un revers de main en me disant 'je vais te trouver un autre arrangeur, je n'aime pas pas ce musicien... J'ai tourné les talons.
- Dans votre très aimable commentaire sur mon album vous vous demandez comment il se fait que mon disque était facile à trouver dans votre région, et à cela j'ai la réponse C'est tout simplement parce-qu'il a été pressé là-bas (par contre j'ai oublié le nom de la Société qui a fait le travail). La maison de production elle-même (GGB) était à Paris et elle était minuscule, avec seulement 2 artistes à son catalogue, un groupe Brésilien exceptionnel du nom de Xoro Roxo... et moi ! Elle a été créée à la fin des années 70 par Michel Bonnecarrère, musicien et producteur, et Gilbert Blanc, Ingénieur du Son.
- Comme ils avaient tous deux très confiance dans mon travail ils ont fait presser une grande quantité de disques, dont environ 80 000 ont été vendus au Canada, mais très peu en France (peut-être une dizaine de mille) pour les raisons expliquées plus haut. Lorsque le CD est arrivé le stock de mes albums restant dans les entrepôts bordelais devait effectivement être assez conséquent. Tout cela a été vendu par lots et c'est presque étonnant car en général le sort des vinyls invendus c'était plutôt la casse !
- (...) C'est bien que des gens comme vous se penchent sur les décades précédentes... c'est vrai qu'on était nombreux à soigner nos textes, mais il y avait tout de même pas mal de nanars, et dans les chansons récentes j'entends aussi de la belle poésie parfois. Les être humains auront toujours des choses à raconter, la seule chose qui change c'est le style... et le marketing. Avec internet et l'implosion du droit d'auteur, il est certain que les auteurs-compositeurs sont dans une situation paradoxale... il est très facile de diffuser mais quand à gagner sa vie avec son art, c'est une autre affaire !
- (...) Vous savez je ne regrette pas que mon disque se soit peu vendu en France, vu qu'au Canada il a très bien marché, donc pour ce qui était de 'faire l'expérience du succès', j'ai eu ce que je cherchais et cela m'a beaucoup appris, sur le monde, les autres et moi-même (suffisamment en tous cas pour décider d'arrêter net l'aventure showbiz deux années plus tard alors que justement ça marchait très bien pour moi là-bas). Encore une fois ce qui m'étonne c'est la propension qu'ont parfois les objets d'avoir leur vie indépendante, et l'exemple de ce vinyl est caractéristique, puisque vous et moi nous parlons aujourd'hui grâce à lui, et cela 32 années après sa création.
- Le fait qu'un artiste 'marche' ou non relève d'une multiplicité de facteurs, et la chance en est un, le talent aussi bien sûr mais il y en a beaucoup d'autres. Par exemple il faut qu'il soit 'en phase' avec son époque. S'il est en avance ou en retard, le déclic ne se fait pas. Il faut aussi que le marketing soit bien orchestré, or dans ce domaine les maisons de disques faisaient souvent n'importe quoi - je parle à l'imparfait parce-que je ne sais pas trop comment les choses se passent aujourd'hui.
- Pour ne prendre que mon cas personnel, ce fut assez folklo, écoutez par exemple l'histoire rocambolesque de mon premier 45 tours:
- Sorti en Mai 1979, il a été 'découvert' fortuitement un mois plus tard par un animateur de la radio de Monaco (RMC) qui couvrait massivement la côte d'Azur à l'époque. Le service de presse de WEA (trop occupé à cette période critique de l'année par des sorties d'artistes déjà connus) n'avait quasiment rien fait pour le promouvoir et cette découverte était donc un coup de chance car du coup ma chanson 'Les Excentriques' est passée entre 5 et 10 fois par jour au coeur de l'été dans tous les lieux publics de la côte qui diffusaient RMC à ce moment-là. Autant dire quasiment partout car c'était avant les 'radios libres' donc il y avait très peu de stations. Hé bien croyez-le si vous voulez mais le disque était introuvable chez les disquaires ! WEA n'ayant pas du tout prévu ce succès inattendu, a réagi comme un gros pachyderme, et le temps qu'ils se bougent les fesses, l'été était passé et ma chance avec, lol !
- J'étais moi-même à Nice cet été-là, et j'entendais ma chanson diffusée encore et encore dans les magasins, restos, cafés et même certaines boîtes de nuit. J'étais effaré et j'avais discuté du problème avec quelques disquaires du coin. Il m'expliquaient que ce genre de couac était fréquent et me racontaient consternés qu'ils avaient entre 5 et 10 demandes par jour pour mon disque, qu'ils ne pouvaient bien sûr pas satisfaire. Vous imaginez que je n'étais pas très bien disposé avec l'équipe de WEA après un tel coup fourré et quand le nouveau Directeur de Production m'a fait son sketch sur l'arrangeur quelques mois plus tard, j'ai compris que je ne ferais jamais rien avec eux. Pourtant c'était une sacrée maison de disques et quand j'avais signé avec eux je m'étais dis 'c'est bon, coco, tu es lancé!'»
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- Voilà, un témoignage qu’il m’a paru intéressant de publier. Des aspects peu connus du monde musical des années 80, la fin de la prédominance du vinyle, sont évoqués. Tous les disques ont une histoire, comme je l’ai écrit à Yves vu la longévité des vinyles, il restera toujours une trace de son aventure artistique.
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