Ici rendons hommage aux techniciens d'imprimerie (on dit "du Labeur")
qui réalisent les pochettes de disques en général et celles plus
« spéciales » en particulier. Un pochette classique ce n'est déjà
pas simple à réaliser : Elle est imprimée sur une machine offset
quadrichromique avec quatre groupes d'encrage successifs. Ensuite
on change de machine pour réaliser le pelliculage qui va donner
l'aspect glacé de la pochette pour un nouveau tirage assez délicat.
Une troisième machine va recevoir de nouveau le tirage après qu'une
« forme de découpe » ait été réalisée : il s'agit d'un socle de
bois sur lequel sont fixées des lamelles coupantes métalliques
dont la forme correspond aux découpes avec les onglets du disque
(filets de découpe). Des lames de filets non coupants dits "raineurs"
correspondent au pliage de la pochette. La machine de découpe
va ensuite jouer son rôle pour ce troisième tirage. Il faut ensuite
« décortiquer », souvent manuellement, à savoir séparer la partie
coupée des rebuts de carton... Le tout dans le vacarme assourdissant
de la presse ...
Encore un nouveau passage sur une machine dite encolleuse qui
distribue un mince filet de colle sur les rabats et pliage définitif
de la pochette. « Pourquoi un filet aussi mince » me direz-vous
? Vous qui comme moi, devez souvent recoller les dites pochettes(*
) en pestant contre le "radinisme" des fabricants qui mettent
si peu de colle ! En fait moins l'opérateur met de colle mieux
la machine fonctionne et surtout après chaque tirage plus on a
consommé de colle plus la machine est encrassée et longue à nettoyer...
C'est déjà pas simple comme vous le voyez pour un disque standard,
mais que dire dans le cas d'un disque comportant par exemple un
pop up ! Il faut une découpe spéciale très complexe. Le carton
fragilisé par les découpes multiples accroche et multiplie les
risques de "bourrage" ! Et dans les années soixante les formes
de découpe n'étaient pas réalisées par traçage informatique. Dans
le cas par exemple du disque "hologramme" des Stones, ce dernier
était collé sur la pochette à la main de même que la fermeture
Éclair du « Sticky fingers » a été probablement placée à la main...
Dans le cas des fenêtres, après pliages et découpes le repérage
doit être rigoureux ! Du grand art vous dis-je... Ce qui explique
que ces disques ne sont finalement pas très nombreux et que si
l'album avait du succès, on était sûr que les rééditions se vendraient
et donc exit les découpes et effets spéciaux on revenait à la
pochette classique... Ainsi par exemple "Sticky fingers" "Their
satanik majesties" "Crache ton venin" se trouvent le plus souvent
avec des pochettes lisses reproduisant fermeture éclair, hologramme
etc. en impression seulement.
D'autres disques que je qualifie également de "spéciaux" au niveau
de leur pochette comportaient des effets métalliques argentés
qui aujourd'hui surprennent moins mais étaient révolutionnaires
à l'époque. Tout d'abord le disque archi connu des "Iron butterfly"
"In-a-gadda-da-vida" dont le graphisme "papillon d'argent" reste
un modèle du genre. Ce type d'encres d'imprimerie était bien entendu
utilisé dans la publicité, parfums, etc.. Le "Wheels of fire"
des Cream reprit cette technique, notons aussi le "Phaedra" de
Tangerine dream et ensuite bien d'autres. Une mention spéciale
pour le "Barboletta" de Carlos Santana de 1974 dont les reflets
bleutés "écailles et (encore) papillon" sont des plus spectaculaires.
(*) Pour recoller une pochette avant tout ignorer absolument l'ennemi
héréditaire du vinylmaniaque : le ruban adhésif de type « Scotch
» dont l'utilisation irresponsable défigure souvent à jamais de
nombreuses pochettes. Pour ma part je finis de décoller entièrement
la pochette. Muni d'un simple bâtonnet de colle type « Uhu » j'enduis
soigneusement le bord intérieur de la pochette et les onglets
du côté correspondant. Je referme la pochette (vide bien sûr)
et appuie fortement quelques instants. Ensuite je place celle-ci
entre deux plaques de bois aggloméré d'environ 32 cms de côté
que je maintiens serrées à l'aide de petits serre-joints que l'on
trouve dans les magasins de bricolage. Après 24 heures de ce traitement
la pochette ressort recollée parfaitement.